Notre séjour chez Abdel (...suite)
Le regard perdu dans les étoiles, j'aurais fini par glisser,
complètement allongée sur le tapis,
la fatigue de cette journée riche en sensations, se faisant sentir.
Un petit air, presque frais, me fit reprendre conscience de mon environnement.
La conversation des hommes continuait toujours, mais moins forte,
comme sur le ton de la confidence, qu'impose la nuit.
La multitude d'enfants avait disparu,
les plus jeunes devaient déjà dormir dans la chambre parentale.
Une partie des plus grands, dont les miens, discutaient dans un coin,
imitant en cela les hommes.
Les jeunes femmes, elles, étaient rassemblées dans la pièce commune,
occupées , me semble-t-il, à coucher une autre partie des enfants.
Hajja avait disparu....
Un regard sur ma montre,...
pour découvrir l'heure plus que tardive, 1H00 du matin.....
N'avions nous pas abusé de l'hospitalité de nos hôtes?....
Même si je n'ignorais pas que les familles du Sud en général, veillent très tard pour
profiter sur les terrasses, ou dans les jardins, de la relative fraîcheur de la nuit...
Cependant, Abdel nous avait raconté peu de temps auparavant, qu'il avait passé une partie de la journée dans un village du djebel (montagne)
où il était allé vendre du bétail, avec l'aide de son frère.
Pour rejoindre l'endroit à la fraîche, ils étaient debout depuis 3H du matin....
Plusieurs coups d'oeil insistants du côté de Zhom,
lui firent finalement croiser mon regard!
et par quelques mimiques que j'espérais le plus discrètes possible!
nous nous comprîmes: il était temps de laisser dormir tout le monde...
Petit flottement, ...
Comme je ne comprenais que par bribes, les conversations animées
qui avaient lieu depuis notre arrivée, uniquement en arabe,
j'ignorais encore où nous étions sensés dormir...
Zhom, amusé de mon nouveau désarroi, lança à la cantonade,
qu'il ferait très bon dormir à la belle étoile sur les tapis
qu'il y avait longtemps qu'il en rêvait!
Les hommes s'esclaffèrent, moi, itou,
en bonne épouse qui rit des "vannes" de son homme!
Je finis par saisir les paroles de Hajj :
"Non, non!
que Dieu m'en soit témoin, vous êtes les bienvenus dans la "maison",
vous n'allez pas dormir dehors! mais dans la "maison"!
Oullah! (je le jure devant Dieu) répéta-t-il!
prenez vos affaires, suivez-moi !
je vous emmène dans la "maison!"
Yallah! (Allons-y!)
Et il nous engagea à sortir de la ferme....
........
Farfouillage dans le coffre de la voiture, à la recherche principalement de mes
instruments de "fille", indispensables pour aller dormir!
Je vous passe tous les sarcasmes (chuchotés, heureusement!) de Zhom!
du genre: t'as vraiment besoin de tout ça pour la nuit!
Ben,... quand même, oui!
une petite trousse de survie hygiénique,
contenant mes lingettes L'oréal, "vous le valez bien"
un tube de dentifrice et une brosse à dent,
mon kit de nettoyage et l'étui pour mes lentilles,
donc mes lunettes pa conséquent,
un bouquin, indispensable avant de dormir quelle que soit l'heure!
une lampe de lecture pour ne pas gêner l'Autre!
Le minimum VITAL , quoi!
Ce qui prit le plus de temps ne fut pas de rassembler tous ces objets,
ils étaient dans le même sac mais d'extraire le malheureux sac, (le mien, bien sûr!)
qui avait été enfoui au fond du coffre lors du chargement des bagages!
On finit par rassembler "l'indispensable" et rejoindre Abdel et son père qui avançait
dans un noir quasi absolu.
Le faible croissant de lune n'éclairait pas suffisamment les éventuelles "embûches".
Mes sandalettes "apprécièrent" encore, le chemin accidenté et caillouteux!
Je compris que nous étions en train de rejoindre la partie nouvelle du village.
Celle où sont construites les maisons en "dur".
En chemin, Abdel nous apprit qu'il y avait bâti la sienne.
Je vis le lendemain, de jour,
que les maisons étaient toutes identiques, en parpaings, la plupart non terminées.
Accolées les unes un autres, elles s'élevaient sur deux étages avec une terrasse sur le toit.
Leur rez-de-chaussée, la plupart équipés de rideaux de fer, étaient ,
selon les explications d'Abdel, soit des entrepôts soit des échoppes.
Il nous apprit d'ailleurs que le bas de sa maison était occupé par une petite épicerie,
tenue dans la journée par son père, trop âgé pour les durs travaux des champs.
Arrivés au 2ème étage, Hajja nous attendait dans le beau vestibule
carrelé de motifs orientaux bleus et blancs.
Elle nous montra notre chambre.
Sur le lit fait, étaient posées des djellabas en coton blanc immaculé,
au pied du lit, des claquettes en plastique
(mes sandalettes, inappropriées avaient dû se faire remarquer!)
Une agréable odeur flottait dans la pièce,
Les oreillers avaient été parfumés.
Hospitalité marocaine....
Après avoir salué nos hôtes pour la nuit,
et une douche rapidement prise, nous étions enfin couchés.
Je ne lus que deux ou trois pages avant d'éteindre ma lampe....
Mais rapidement, on dut se relever...
La chambre dont, nous avions fermés les volets et la porte,
par habitudes citadines ( ...ou personnelles...) était vite devenue un vrai "four"!
Nous ouvrîmes les volets et la porte.
Le voilage qui l'occultait n'était pas un simple décor comme je l'avais pensé, mais la preuve qu'elle était habituellement laissée ouverte afin de permettre un courant d'air salvateur!
Bon, nous pouvions nous rallonger!
Par la fenêtre ouverte, dans un pré-sommeil,
je percevais dans la lointain, la multitude de bruits propres la campagne,
aboiements des chiens, coassements des crapauds, braiments d'un âne...
Je finis par sombrer.....
Mais soudain....
retentirent des cris stridents, reconnaissable entre tous!
Le cri de .....
Monsieur Coq!
Je bondis sur le lit,
L'impression qu'il était dans la chambre même!
Hagarde, je regardai dehors, il faisait encore nuit....
j'allumai la lumière pour regarder l'heure, il était 2h50...
Nous avions fermés l'oeil à peine une heure!
Zhom, réveillé aussi, se pencha à la fenêtre pour tenter de percer le noir
et situer l'intrus.....
D'après ce qu'il avait compris, des explications multiples d'Abdel,
la famille élevait bien des poules mais où, ...pas dans la maison quand même...
dans la cour peut-être....
Bref, de toute façon, nous ne savions même pas où notre chambre était située
et encore moins, où se trouvait le coq qui criait toujours!
mais il était très près, trop près de nos oreilles!
Après conciliabule, on referma la fenêtre,
car du coup, le coq avait réveillé quelques "confrères"
qui s'étaient mis de la partie, eux aussi!
De même que quelques ânes qui entonnèrent braiments sur braiments!
Les garçons, réveillés aussi,
réclamaient le silence!
comme si nous y pouvions quelque chose....
Le coq fut traité de différents "noms d'oiseaux" !
lui et ses ascendants!
Des gestes éloquents lui promirent même, un "avenir incertain"!
Etouffants littéralement , nous rouvrîmes la fenêtre,
la différence sonore de toute manière n'était pas grande!
Et c'est dans un fou rire général, que nous comptions les ...
secondes entre chaque "Cocorico"!
sidérés quand même que les coqs chantent en pleine nuit!
Je dus tomber dans les bras de Morphée au petit matin....
et c'est seulement vers 9H , les traits tirés par cette nuit mouvementée que nous avons été capables de rejoindre Hajja dans le salon marocain, où elle avait dressé pour nous,
le petit-déjeuner sur une table basse.
(même ingrédients que la veille au goûter, plus du lait et du café)
Abdel et Hajj, debout depuis le lever du jour, avertis de notre "réveil"
nous rejoignirent pour prendre un café.
Ils s'enquirent de notre nuit.
Moi et Zhom, poliment, affirmèrent avoir bien dormi...
C'était sans compter sur le vieil adage
" La vérité sort de la bouche des enfants"
car Junior, nous coupant presque la parole,
lui, si peu bavard au réveil,
se lança alors dans une description cauchemardesque
de sa nuit au "côté" du gallinacé!!!
Il agrémenta son récit de moult gestes et bruitages vindicatifs
qui ne laissaient aucun doute sur le sort qu'il lui réserverait
si jamais il lui mettait la main dessus!!!
Malgré le fou rire qui nous prenait, nous étions cependant un peu gênés, incapables que nous étions à faire taire Junior, qui prononça le mot de la fin, à savoir que
les "poulets", lui, il ne les concevait que morts et dans la cocotte!!
Le sens de cette longue diatribe, prononcée en français
et traduite par Zhom de manière très édulcorée,
n'échappa pas cependant à nos hôtes arabophones!!
qui firent preuve d'un sens de l'humour assez magnifique!
Hajj conclut à sa manière et dans le même sens que Junior
en disant qu'un coq est fait de toute manière pour finir dans un tajine un jour ou l'autre
un peu plus tôt ou un peu plus tard, peu importait!
et devinez un peu
ce que nous avons mangé le soir en rentrant de notre balade à la palmeraie de Tioute?!
Ferrouj ( le coq) et quelques-unes de ses copines!!
Conclusion de Junior:
"Ce n'était que Justice pour sa nuit blanche!"
Nous découvrîmes bien sûr que la chambre que nous occupions était juste au-dessus
de la basse-cour, à trois mètres à vol de "poulet" de notre oreiller!
La nuit suivante risquait de s'annoncer difficile, car Ferrouj n°1
avait un pote , Ferrouj n°2 qui lui, avait échappé à la casserole!!
Mais qui dit "hospitalité marocaine",..... à suivre....
Bref, dans l'épisode suivant, et en images!
la visite de la palmeraie de Tioute!
et bien sûr, la suite des aventures de "Majo à la ferme"!!!!!
Amitiés
Majorelle